Pour faire suite au texte précédent sur la production et la diffusion de savoirs…
C’est par l’action collective et ses nécessaires tâtonnements qu’on peut réellement accéder à une prise de conscience et à une émancipation individuelle et collective.
Les prises de conscience ne peuvent se réaliser profondément que par des déclencheurs éminemment liés à notre individualité, à notre histoire, et qui touchent à notre corps, à notre sensibilité. Ces déclencheurs nous sont fournis par le monde qui nous entoure, et notamment par l’action menée collectivement. Mais nul-le ne sait ce qui déclenchera, chez chacun-e d’entre nous, une prise de conscience profonde, c’est-à-dire irrépressible.
« Ne me libère pas, je m’en charge ! » : ne nous laissons surtout pas tenter par la tentation illusoire de libérer autrui de ses aliénations ! Mais alors, dans une optique matérialiste, que pouvons-nous faire ? Comment favoriser le déclenchement de prises de conscience ?
Pas de recette magique, mais deux grilles d’analyse des niveaux de conscientisation, qui peuvent nous aider à analyser et à suivre notre action collective.
Quatre niveaux de conscientisation
À la suite de Colette Humbert, une pédagogue proche des idées du Brésilien Paul Freire, on peut identifier quatre niveaux de conscientisation:
- La conscience soumise, tout d’abord, n’entraîne qu’un sentiment d’impuissance.
- La conscience précritique ensuite, nous conduit à mettre des mots sur les choses et à nous situer dans les rapports sociaux.
- La conscience critique intégratrice nous pousse à vouloir faire bouger les choses mais sans pour autant être prêt à tout remettre en cause.
- La conscience critique libératrice, enfin, nous fait constater qu’agir dans le cadre ne suffit pas, et nous pousse à agir collectivement pour changer le cadre.
Cinq niveaux de prise de conscience
Bernard Dumas et Michel Seguier, dans leur livre « Construire des actions collectives : développer la solidarité », proposent cinq niveaux de développement des solidarités.
A partir d’actions concrètes, peuvent être identifiées les dimensions de :
- Prise de conscience individuelle : on se sent personnellement concerné par un problème social, par exemple à partir d’une menace perçue subjectivement
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Prise de conscience collective : la réalité oppressive ne concerne pas uniquement une personne mais des groupes, des communautés, des membres de collectivités plus larges ; de la mise en commun des potentialités et ressources, du regroupement des forces naît la solidarité
- Prise de conscience sociale : on soupçonne que les situations ne sont pas dues au hasard, qu’il n’y pas de fatalité et qu’il existe des contradictions socio-politiques objectives
- Prise de conscience politique : à partir d’éclaircissements acquis sur le fonctionnement sociétal, on désire et recherche des alternatives, on propose des solutions possibles à travers l’expérience collective
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Prise de conscience émancipatrice : on pose des actes avec d’autres, on essaie de concrétiser des alternatives dans sa propre existence ; il s’agit de changer de mentalité pour changer ses conditions de vie quotidienne, transformer les rapports à l’environnement et construire une société