Les éditions Le Poing – Presse Libertaire nous proposent une brochure extrêmement argumentée intitulée « Quelles règles pour les radicaux ? Plongée critique dans Rules for Radicals de Saul Alinsky ».
Analysant la posture d’entrepreneur politique, de professionnel de la radicalité, l’auteur va chercher dans l’ouvrage d’Alinsky Rules for Radicals de quoi analyser l’idéologie et les pratiques de ce dernier.
En lire quelques extraits :
Ces extraits sont, par définition, sortis du contexte de leur écriture. Ils sont ici pour vous donner envie d’aller lire le texte entier, dans lequel vous trouverez l’argumentation complète, qui se reporte en permanence aux mots d’Alinsky lui-même, sur laquelle reposent ces extraits.
Extraits
Cet ouvrage [Rules for Radicals] vise à être un nouveau manuel à destination des apprentis révolutionnaires, se substituant au discours communiste.
Pour eux [dont David Alinsky, son fils], Alinsky s’est fait approprier par la gauche alors qu’il était un adepte du libéralisme politique à la John Locke, dans la tradition des Pères Fondateurs des États-Unis et de la Déclaration d’Indépendance.
Prétendre d’être dépourvu d’idéologie pour le monde social est comme prétendre être dépourvu de perception pour le monde physique.
Implicitement, Alinsky semble se rattacher à une conception judéo-chrétienne et individualiste libérale de l’être humain, où celui-ci serait globalement rationnel, motivé par l’intérêt personnel et les passions égoïstes que l’organisateur professionnel soit attiser, manipuler pour une mobilisation réussie.
Renforcer et améliorer la société démocratique.
En d’autres termes, l’organisation professionnel pour être efficace doit se constituer une domination charismatique.
Saul Alinsky se revendique de Machiavel, à savoir d’une stricte séparation de la morale et de l’action politique. La morale pouvant être utilisée a posteriori comme registre de justification. L’action doit être purement orientée par des impératifs d’efficacité dans un but vaguement défini de progrès social de la société libre et ouverte.
Le temps n’est pas à perdre en vaines paroles sur le capitalisme, l’État, les différents rapports de domination puisqu’il faut le plus rapidement possible enrôler les individus mobilisés sur des actions ludiques.
Très souvent, dans sa conception, la fin justifie les moyens.
La conception de l’organisation du pouvoir qui émerge de cette œuvre d’Alinsky reste très traditionnelle. (…) À aucun moment les processus de décision ou de désignation des chefs ne sont discutés par Alinsky qui approuve implicitement le recours au mandat représentatif.
Dans son entretien avec Playboy, Alinsky ne peut que déplorer que sa première expérience d’organisation au Back of the Yards ait mené un quartier de blancs pauvres désorganisés à, trente ans plus tard, un quartier de blancs, moins pauvres, organisés, notamment pour maintenir une certaine ségrégation à l’égard des noirs.
D’un point de vue anarchiste, ce résultat ne peut être étonnant puisque l’ensemble de la démarche est viciée, depuis son anthropologie jusqu’à ses techniques, notamment dans ses considérations de l’être humain, par son absence de remise en cause des chefs et du pouvoir en tant que tel qui débouche sur des organisations fondamentalement inégalitaires, par sa focalisation exclusive sur les actions, sans jamais recourir à l’analyse collective sur les actions, sans jamais recourir à l’analyse collective et à une éducation libertaire quant aux rapports de domination et aux classes sociales, seuls facteurs susceptibles de produire sur le long terme de l’émancipation.
Que faut-il en conclure sur Alinsky ? Sans doute qu’il était un démocrate convaincu (… en tout cas, convaincu d’être démocrate) dont le progressisme revendiqué dans le cadre de la société capitaliste entre en flagrante contradiction avec l’insouciance à l’égard des individus qu’il a manipulés pour arriver aux fins qu’il jugeait les plus justes.
Une faible vision d’ensemble et beaucoup d’angles morts.
Son projet n’est pas très radical puisqu’il s’agit de revitaliser la démocratie représentative en suscitant la participation citoyenne et à travers la construction d’une organisation de masse qui prendrait le pouvoir et qui dans sa grande vertu le redonnerait au peuple (mais comment ?).
Cette méthode, réinventant un peu la roue, permet de recruter de futurs électeurs voire de nouveaux militants, sous couvert de luttes sociales.
Des acquis réels ont dû être conquis par les collectifs mobilisés, mais cela ne doit pas nous dispenser de critiquer le manque de vision d’ensemble d’Alinsky et de ces promoteurs incapables de permettre une alternative au capitalisme.
Faire le bien avec de mauvais raisonnements.
L’existence d’élus, de chefs ou de permanents de la radicalité vivant « de » et « pour » la politique est le premier pas dans la direction contraire à tout idéal démocratique un peu sérieux.
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Notamment une critique que j’ai faite d’un autre ouvrage d’Alinsky.