Je reproduis ici l’annexe au livre de Paul Masson « Chemins et mémoires », dans laquelle il présente l’évolution du mouvement ouvrier chrétien.
Je conseille la lecture de son livre, dans lequel il décrypte l’ensemble de sa vie d’adulte, son parcours professionnel et son engagement dans l’éducation populaire. À travers son expérience personnelle, i donne un éclairage sur l’histoire sociale de l’après-guerre à nos jours, et sur la façon dont se construit la « culture » en chacun de nous.
« Chemins et mémoires », de Paul Masson, aux Éditions du Petit Pavé.
Visitez le site web de Paul : http://paulmasson.atimbli.net
« Mon histoire personnelle s’inscrit dans l’histoire d’un des courants du mouvement ouvrier. (…) Pour aider le lecteur à s’y retrouver, je propose quelques repères sur ce courant du mouvement ouvrier entre la création de la JOC (1927) et celle de Culture et Liberté (1970-1972).
La JOC, Jeunesse ouvrière chrétienne, est une association de jeunes Chrétiens du monde ouvrier. Elle regroupe des jeunes travailleurs, pour s’organiser « entre eux, par eux, pour eux ».
Elle est fondée en Belgique en 1925 par Joseph Cardjin, un prêtre issu d’un milieu modeste. Elle est créée en France deux ans plus tard (1927), et la JOCF (féminine) dès 1928.
En 1935, des couples d’anciens de la JOC et JOCF fondent la LOC (Ligue ouvrière chrétienne) pour continuer adultes l’action de promotion humaine individuelle et collective de la classe ouvrière en référence au message évangélique.
Pendant la guerre, en 1942, la LOC se transforme en MPF (Mouvement populaire des familles). Le mouvement élargit sa base sociale et touche, bien au-delà des ouvriers chrétiens, des non-croyants.
Ce mouvement MPF est à la source d’une véritable constellation d’organisations, dont le MLO, le CCO et les APF sont quelques uns des astres.
En 1942, ce courant militant crée le COEI (Centre ouvrier d’études et d’information) dans le but de maintenir « un esprit à la fois de syndicalisme et de résistance ». Quelques temps plus tard, le COEI du MPF est intégré à l’ICO.
Presque en même temps, à l’initiative de la JOC, est créée l’Université populaire de Marly-le-Roi, un lieu où sont proposés des cycles de formation syndicale, des stages relatifs à la vie des travailleurs, des colloques, des congrès…
Après guerre, en 1945, l’ICO (Institut de culture ouvrière) est fondé pour développer une formation économique, sociale, civique, artistique et scientifique des travailleurs.
À cette époque où se reconstruit la France, il s’agit de former des militants ouvriers pour faire vivre les acquis démocratiques et de justice sociale du Programme du Conseil de la Résistance. La Sécurité Sociale, nouvellement créée, est administrée majoritairement par des représentants élus par les travailleurs. La direction des Comités d’entreprises, également nouveaux, nécessite des compétences en négociation, en économie, et en gestion pour les activités sociales.
En 1950, deux grands changements
1- La laïcisation
Le MPF, qui devient Mouvement de libération du peuple (MLP) se laïcise. Ses références ne sont plus celles de l’évangile et de l’église catholique, mais celles, plus larges, d’humanisme et de promotion collective de la classe ouvrière.
À noter que le syndicat CFTC (Confédération française des travailleurs chrétiens), créé en 1919, opérera en 1964 un changement de même nature (élargissement et laïcisation) en devenant CFDT (Confédération française démocratique du travail).
Les militants du MPF, pour améliorer concrètement les conditions de vie des familles populaires, s’organisent localement en Associations familiales ouvrières (AFO).
Cette même année 1950, se crée l’ACO (action catholique ouvrière), mouvement d’action catholique dans lequel les militants chrétiens, engagés dans l’action ouvrière, peuvent « approfondir la vision du rôle providentiel que la classe ouvrière a, en tant que telle, à jouer dans le plan de Dieu. La notion de promotion ouvrière collective, humaine, chrétienne de la classe ouvrière doit colorer notre ACO. »
2- La scission
Toujours en 1950, le congrès du MPF-MLP est l’objet d’affrontements. Le débat se cristallise autour d’une opposition entre la conception du « politique d’abord » et la conception de « la promotion collective d’abord ».
Le courant MLP privilégie le « politique d’abord ». Il participera en 1960 à la création du PSU (Parti socialiste unifié).
Les associations familiales de ce courant s’organisent nationalement dans les AFO (Associations des familles ouvrières) qui en 1959 deviennent la CSF (Confédération syndicale des familles).
En 1952, le courant privilégiant « la promotion collective d’abord » et refusant l’action directement politique décide de faire scission pour fonder le MLO (Mouvement de libération ouvrière).
Les associations familiales de ce courant s’organisent nationalement dans les APF (Associations populaires familiales) qui, en 1976, deviennent CSCV (Confédération syndicale du cadre de vie) puis CLCV (Consommation, logement et cadre de vie).
En 1954, l’ICO devient CCO (Centre de culture ouvrière), mouvement d’éducation populaire dont le but est la promotion sociale des personnes par la formation.
Pour répondre aux besoins en matière d’animation et de tourisme social en plein essor, le CCO donne naissance, quelques années plus tard, à l’INFAC (Institut national de formation professionnelle à l’animation et à la gestion des collectivités à caractère social), qui deviendra INFA.
Il s’agit de former des animateurs, des gestionnaires et des cadres de direction, issus du milieu populaire pour accompagner l’organisation collective des habitants dans les équipements (Foyers de jeunes travailleurs, Centres sociaux, MJC…), le tourisme social (Maisons familiales de vacances, Villages vacances familles…) et dans les Comités d’entreprises.
Après 1968, le MLO et le CCO décident de se rapprocher et de fusionner en une seule organisation : Culture et Liberté. Il faudra deux ans de négociation entre l’assemblée constitutive (1970) et le véritable lancement de l’association Culture et Liberté en 1972.
Culture et Liberté construit sa propre personnalité en bénéficiant de la richesse des deux associations fondatrices et de l’arrivée de jeunes de la génération de 68.
À noter que l’ADELS (Association pour la démocratie et l’éducation locale et sociale) contribuera également à la création et au tout début de Culture et Liberté.
En 1971, la loi Delors sur la formation professionnelle continue offre de nouvelles opportunités pour la formation des travailleurs. Culture et Liberté national prend l’initiative d’inviter les organisations syndicales ouvrières (CGT, CFDT, FO), les associations familiales populaires (CSCV, CSF) et les mouvements d’éducation populaire (Fédération Léo Lagrange et Peuple et Culture) présents dans le Nord-Pas-de-Calais pour créer un centre de formation. Il s’adresserait aux salariés sans qualification et à leurs familles, et assurerait la formation avec la démarche et les méthodes pédagogiques de l’éducation populaire.
Ce Centre régional de formation ouvrière, le CREFO, voit le jour cette année là. Il est dirigé par quatre organisations : un syndicat (la CFDT) et trois mouvements d’éducation populaire (Culture et liberté, Peuple et culture, la fédération Léo Lagrange), pour promouvoir la formation des ouvriers sans qualification et de leurs familles.
La JOC, première organisation d’Action Catholique spécialisée, va également influer sur l’organisation de l’Église catholique dans de nombreux domaines, dont :
Les « Cœurs Vaillants » qui vont se voir remplacés en 1956 par l’ACE (Action Catholique de l’Enfance).
– Dans les années 1960, l’Église va mettre en place une formation de prêtres issus de la classe ouvrière en s’appuyant sur la démarche jociste et en l’adaptant. Ce sera le GFO (Groupes de formation ouvrière).
Très bien, très clair… Merci
Paul
Merci à toi, Paul 🙂
Ce mouvement existe-t-il encore au Québec?