- Les perspectives posées dans l’ouvrage historique (car fondateur) de Saul Alinsky
- Limites et ambiguïtés contemporaines des théories de l’empowerment
- Trois hypothèses pour réincarner et réincorpoerer le pouvoir d’agir
Par Pascal Nicolas-Le Strat
Notes de travail, préparatoires à l’exposé réaliser à l’atelier « Fabrique de sociologie » (Montpellier, 25 mars 2013).
Avant qu’il ne retravaille en janvier 2014 son article, à lire sur son blog, j’en avais pris quelques notes que je vous propose :
L’empowerment recouvre à la fois une accréditation / habilitation à agir et une compétence à le faire.
Les perspectives posées dans l’ouvrage historique (car fondateur) de Saul Alinsky (1971)
Les dépossédés n’ont pas besoin qu’on les aide mais qu’on les émancipe.
L’émancipation ne peut être qu’un processus auto-constitué par les personnes elles-mêmes.
Les personnes s’émancipent par elles-mêmes, par leur engagement et par leurs luttes.
De l’ouvrage d’Alinsky se dégage une méthode politique qu’il est possible de résumer en ces termes :
- Une vision par le bas de la politique, sous la forme d’une auto-organisation des opprimés.
- Un lien indissociable entre la redistribution des ressources économiques (aide) et des ressources de pouvoir (puissance).
L’entrée sur le terrain social se réalise par la question du pouvoir. - Une centralité du rapport au pouvoir.
« Le pouvoir d’abord, le programme ensuite » - L’organisation des opprimés comme instrument fondamental de la transformation sociale
Alinsky valorise fortement une figure sociale : celle de l’organisateur :
- « En tant qu’organisateur, je commence mon action en acceptant le contexte tel qu’il m’est donné, et non tel que je voudrais qu’il fût »
- Éprouver les situations, et s’éprouver soi-même à cette occasion
- La conviction et la croyance en ses propres capacités.
« Comment un organisateur peut-il croire en un peuple s’il ne croit pas en lui-même ? » - Comment former les organisateurs ?
Sa conception reste quand même très avant-gardiste :
- Une vision héroïque de l’organisateur
- Une vision aristocratique : « La plupart des gens n’accumulent pas l’expérience : ils traversent la vie en subissant une série d’événements qu’ils avalent sans digérer »
Nous somme en 1971, avec la figure sacrificielle et l’imaginaire du militant révolutionnaire (cf. la figure des « établis » en France) - Au final, une vision avant-gardiste : l’organisateur anticipe ou conscientise avant les intéressés les questions et les enjeux qui se posent
Limites et ambiguïtés contemporaines des théories de l’empowerment
À partir de Marie-Hélène Bacqué et Carole Biewener, « L’empowerment, une pratique émancipatrice » : lire ici mon article à ce sujet.
Une logique individualisante et, par là même, réductionniste.
« Une logique émergente (…) qui attribue aux pratiques socio-éducatives une fonction de soutien aux initiatives des personnes aux prises avec des situations incapacitantes » (Yann Le Bossé).
Le risque est de sur-responsabiliser les personnes par rapport à leur situation et leur trajectoire.
Passage d’une démocratie participation à une démocratie contributive.
Comment passer de ce « pouvoir intérieur » à un agir effectif ?
Sa normalisation et sa dépolitisation
Vision néolibérale : « Le pouvoir des individus est restreint au pouvoir de faire des choix ».
Incantation idéologique : sortez du fatalisme, saisissez-vous des occasions de réussite qui se présentent.
Une conception de l’égalité pensée comme une égale capacité à se saisir des opportunité.
L’école du mérite.
Son réengagement « dur » dans une remise en cause néo-conservatrice des droits sociaux
« Aide-toi toi-même en mobilisant tes capacités ».
L’initiative ne doit plus relever de l’Etat-providence, mais des personnes elles-mêmes, à travers le renforcement de leur empowerment.
Très souvent, le réemploi contemporain des théories de l’empowerment véhicule deux impensés :
- Le « contre quoi » : la structure de inégalités et la dynamique du rapport social ne sont plus interrogées. Donc le pouvoir d’agir se trouve décontextualisé et désincarné (une capacité abstraite dans le rapport de soi à soi, qui renvoie essentiellement à une estimation de soi).
- Le « contre qui ». Le pouvoir d’agir est déconflictualisé.
Pascal Nicolas-Le Strat propose 3 hypothèses pour réincarner ou réincorporer ce pouvoir d’agir
- Formuler, nommer, diagnostiquer les « fabriques de l’impuissance »
- Éprouver le rapport social
- Ce qui fait pouvoir, ce sont avant tout les dispositifs / agencements collectifs
En lire plus sur les notions d’empowerment, de puissance d’agir…
- Rules for Radicals, Saul Alinsky
- Donner du pouvoir au peuple, pas aux élites, Saul Alinsky
- L’empowerment, une pratique émancipatrice
- Qu’est-ce que l’empowerment ?