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La démocratie en question(s) – Loïc Blondiaux

Je vous propose mes quelques notes prises lors de l’intervention de Loïc Blondiaux sur le thème « La démocratie en question(s) ».

Cette intervention a eu le lieu le 17 novembre 2014, lors d’une journée organisée par le Cnajep sur le thème « Agir sur le monde par une action citoyenne : l’éducation populaire ouvre la voie des possibles ».

Ces extraits sont nécessairement sortis de leur contexte du fait qu’ils sont extraits de l’intervention initiale.


 

Intervention de Loïc Blondiaux

Aujourd’hui, on constate une accélération de la prise de conscience des problèmes rencontrés par notre système politique. C’est relativement nouveau : le fait que notre « démocratie » ne va pas bien n’est plus nié.

Définition de la démocratie par Robert Dahl :

« La démocratie est l’égale possibilité pour chaque citoyen d’influencer la décision »

Nous avons assimilé l’idée selon laquelle la démocratie est représentative. Or les Grecs, par exemple, considéraient que « démocratie » et « représentants » étaient inconciliables.

La haine de la démocratie

Il nous faut nous souvenir que ceux qui ont pensé notre système politique à la fin du XVIIIè siècle détestaient la démocratie.
La représentation est un filtre de l’esprit public.

Depuis ce temps, on a l’habitude de réfuter la démocratie directe par trois arguments (qu’on pourrait qualifier, surtout pour les deux premiers, d’arguments de mauvaise foi) :

  • Un argument technique : il est trop compliqué de réunir le peuple dans son ensemble à tout moment.
  • Un argument sociologique : les citoyens n’ont pas assez de temps à consacrer à la chose publique. La priorité est qu’ils soient producteurs et consommateurs.
    À Athènes, le fait qu’il y avait des esclaves permettaient aux citoyens d’être disponibles pour les affaires publiques. Aujourd’hui, seuls des professionnels ont la possibilité d’être disponibles à plein temps pour cela.
  • Un argument politique : le peuple n’est pas suffisamment compétent (‘il n’a pas suffisamment de loisir », disait Montesquieu) pour prendre les décisions. Il faut donc qu’il se désigne des représentants sages et compétents.

Mais, aujourd’hui, on constate une double crise : une crise majeure d’efficacité, et une crise majeure de légitimité.

Une crise d’efficacité

La capacité d’agir du pouvoir politique face au pouvoir économique est très largement entamée.
Les gouvernants sont impuissants à relever les défis qui menacent nos sociétés. Ils sont limités par les frontières, ils sont myopes et ne considèrent pas le long-terme, ils sont incapables d’imposer des choix structurels forts, et ils ont délégué une partie de leurs prérogatives à d’autres acteurs qui n’ont pas de responsabilité devant le peuple (par exemple : l’Union Européenne).
En parallèle, les gouvernants voient leurs prérogatives renforcées dans certains secteurs, notamment la sécurité publique.

Une crise de légitimité

On observe la montée d’une défiance voire d’une haine à l’égard des acteurs politiques.
Au-delà du politique, ce sont d’ailleurs toutes les formes d’autorité qui sont remises en question. Les thèses complotistes se développent : c’en est une forme.

Se développe, surtout dans les classes populaires, une forme d’impuissance politique. Or qui ne vote pas ne compte pas : le refus de voter de ces populations entraine un renforcement de l’oligarchie, qui ne se soucie plus de leur plaire puisqu’ils ne votent pas.

Que faire ?

Aujourd’hui, le scénario prévisible est celui d’un effondrement généralisé de nos institutions démocratiques.
Soit par un transfert du pouvoir à des institutions technocratiques, tel que cela s’est fait en Grèce.
Soit, et c’est ce qui est le plus probable en France, par l’arrivée au pouvoir par les urnes d’acteurs préconisant des solutions autoritaires. Comme cela s’est fait en Hongrie. Aujourd’hui, l’extrême-droite est capable de ré-enchanter le politique, de désigner des ennemis. Et de se faire élire.

Le vocable de « démocratie participative » a été largement dévoyé. Il n’est plus utilisable pour parler d’une alternative politique.

La démocratie doit se déployer dans trois espaces de pratique, qui doivent coexister et vivre en parallèle :

1. L’espace de la démocratie institutionnelle.

Aujourd’hui, la démocratie représentative veut occuper tout l’espace. Or, si on ne peut pas se passer à ce jour de représentants, il est cependant nécessaire de réformer le fonctionnement de notre démocratie représentative. Loïc Blondiaux défend les pistes suivantes :
– Lutter contre la professionnalisation politique
– Favoriser l’initiative populaire
– Instituer le vote obligatoire
– Mettre en place une assemblée constituante tirée au sort

2. L’espace de la démocratie citoyenne

Développer l’idée que tous les citoyens sont capables. Idée d’une contre-démocratie (cf. Pierre Rosanvallon).
– Les citoyens ne doivent pas renoncer à contrôler les institutions. Une démocratie suppose des citoyens actifs, or le capitalisme a infantilisé les citoyens.
– C’est au sein de la société que résident les solutions à nos problèmes.
– Les citoyens sont capables de prendre des décisions quand on leur en donne la possibilité.

3. Un espace de démocratie délibérative

C’est l’espace nécessaire à la démocratie qui ne relève ni des institutions ni des initiatives citoyennes, l’espace où ces deux-là se confrontent pour construire collectivement la décision.
Cela suppose l’inclusion du plus grand nombre dans le processus de décision. Il faut indexer la légitimité de la décision sur la délibération collective.
Les outils pour cela existent. Le problème, c’est la volonté politique.

Cela dit, étant donné l’état du système capitaliste, probablement que, même en faisant tout cela, il soit difficile de sauver la démocratie. La crise de la démocratie est surtout due au système capitaliste…

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